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Le
cabaret l'Écluse
occupait le rez de chaussée du 15 du quai des grands Augustins à Paris
VI (métro Saint Michel). En lettres peintes en rouge s'inscrit L'Ecluse
au dessus de la devanture. Marc Chevalier, André Schlesser, Brigitte Sabouraud et Léo Noël donnèrent son âme à L'Ecluse
Le premier spectacle reçoit le public le 6 février 1951. Le journaliste
Maurice Ciantar (1915-1990) pour le journal Combat du 17 février 1951
salue avec enthousiasme ce lieu où règne un air nouveau. Aussitôt le public afflue en nombre. Au cours du programme de ce soir de première alternent des tours de chant, des
sketchs et du mime. Marc et André chantent L'île saint Louis, Monsieur
William, Le bateau espagnol, A l'enseigne de la fille sans coeur. Le
comédien Claude Castaing enchaîne avec les sketchs Saint Germain des
pieds et Le concert Batifol. Le mime Marceau joue Bip dans le métro
puis Bip dans le monde. Brigitte Sabouraud avec son petit accordéon
chante : La petite marchande de fleurs, La mélopée du jeune homme et Ca
sent le goémon. La soirée s'achève par Léo Noël et son limonaire
chantant L'orgue des amoureux, La Ballade des places de Paris et La rue
des Blancs Manteaux. Les
membres de l'équipe auditionnent les candidats chaque premier mercredi
du mois de 17 à 20 h. Chaque artiste présente deux chansons ou dix
minutes de numéro. Pour être retenu, l'artiste doit obtenir l'unanimité
du choix des membres du quatuor. Malgré tout le jury ne retiendra pas
de grands noms tels que Georges Brassens, Guy Béart.... Souvent les artistes de
l'Ecluse et des autres cabarets du quartier se retrouvent à l'annexe du cabaret au bar tout
proche La Boule d'or (4 place St
Michel). Le bar reste ouvert jusqu'à 2 h du matin. La famille Albouy tint ce bar durant plusieurs années. Ce
vaste lieu comprend une grande salle, une arrière salle et un sous sol.
En 1984 Eric Rohmer tourna en ce lieu des séquences de Les nuits de la
pleine lune. A la fin des années 90, le bar ferme ses portes. Une
succursale de la librairie Gibert jeune occupe les locaux. Actuellement un
commerce de proximité d'une enseigne nationale remplace la librairie. Pour
arriver à La Boule d'Or, venant de L'Ecluse le piéton passe devant La Rôtisserie Périgourdine
occupant jadis l'angle entre le quai des grands augustins et la place Saint
Michel. Seuls les plus fortunés ou les artistes confirmés peuvent
fréquenter ce restaurant chic. Maintenant Le Paradis du fruit occupe les locaux. Quotidiennement, l'équipe parfois accompagnée
d'artistes mange Chez Cordier. En sortant du cabaret sur la gauche
au 17 bis du quai, une aveyronnaise madame Cordier accueille les clients proposant des
repas simples et pas chers. Actuellement, le restaurant indien Namaste Paris reçoit les clients. Dans la seconde moitié des années 50 L'Écluse devient le cabaret en vogue du quartier latin. Il représente et porte l'esprit rive gauche de la chanson française. Le quatuor propose des tours de chant, des mimes, des marionnettes, des théâtres d'ombres, des comiques, de la poésie....... tous les arts du spectacle. Une ardoise noire affichée à la porte mentionne à la craie les noms des artistes au programme de la soirée. Chaque soir sauf lundi, L'Ecluse ouvre ses portes à 22 h 30. Le spectacle commence à 23 heures et se prolonge jusqu'à 1 heure du matin. Il comprend six attractions avec un temps de passage pour chacune de 10 à 20 minutes. L'artiste confirmé du moment passe en numéro six en fin de programme. Souvent dès 22 heures la salle affiche complet. L'équipe dirigeante propose des prix raisonnables autant pour les consommations que pour les spectacles. Une fois la soirée commencée, l'acces à la salle devient impossible. Les artistes en devenir en proie au doute trouvent en ce lieu une famille un cocon leur donnant confiance. Parmi les artistes qui débutèrent ou passèrent à l'Écluse se trouvent de nombreux artistes : Cora Vaucaire, Barbara, Marie Paule Belle, Christine Sèvres, Philippe Noiret, Pierre Richard, Marcel Marceau, Pia Colombo, Yvan Dautin, Jacques Fabbri, les frères ennemis.... Léo Noël ouvre la soirée par ces mots : " Bonsoir Mesdames, bonsoir Mesdemoiselles, bonsoir Messieurs ! Toute l'équipe de L'Ecluse est heureuse de vous accueillir ce soir. Nous allons ouvrir les vannes de cette Ecluse à un flot de chansons, de poésie et d'harmonie..."
L'Ecluse fête ses vingt ans en chasons par une soirée spéciale le 29 octobre 1969 organisée dans ses locaux. Le
législateur modifie la taxe sur les spectacles exigible par
les cabarets en la faisant passer de 5.60 % à 17.60 %. Ainsi les
cabarets deviennent établissements commerciaux au même titre que
les dancings et boites de nuit et non comme des théâtres. Marc
Chevalier engage plusieurs recours contre l'application du texte. En
vain ! Les problèmes financiers alors s'accumulent. Tous les anciens
pensionnaires de l'Écluse participent pour aider au sauvetage de l'Ecluse. Barbara
retrouvera la scène de ses débuts pour les deux réveillons de 1973. Ces
deux soirs la cohue envahit le trottoir du quai des Grands Augustins. Rien n'y fait. Une journée de grève des machinistes entraine l'annulation du spectacle de soutien à L'Ecluse prévu au Théâtre du Châtelet le 7
novembre 1974. Au début de 1975 l'Écluse ferme définitivement ses vannes. La salle devient silencieuse, muette. En 1978 un bar à vins ouvre ses portes. Les nouveaux propriétaires transforment légèrement la salle. La salle conserve son atmosphère d'antan. Le comptoir occupe l'emplacement de la scène de jadis. Le bar à vins s'appelle toujours l'Écluse…... Début
de 2018 des travaux réaménagent l'intérieur. L'Ecluse revêt de
nouveaux habits et devient le Wine o'clock. Les boiseries, le vieux plancher de la salle
disparaissent laissent place à un style actuel cosy chic. Au fond dans la nouvelle salle se
trouve le bar, en entrant dans la salle sur le mur de droite une
fresque colorée fait revivre l'athmospère du lieu. Barbara
s'accompagne au piano droit, l'entourent Marc et André, Brigitte
Sabouraud et son accordéon, Léon Noël et son orgue de Barbarie, Léo
Ferré et Pepée, Jacques Prévert, Raymond Devos, Les frères Jacques, le
mime Marceau... Les Frères Jacques se sont ils produits à L'Ecluse ? Restent les souvenirs, les photos et l'imaginaire pour retrouver l'atmosphère du lieu d'antan. En 1987 Barbara chantait sur l'autre rive de la Seine au Châtelet : Mais chanter me ramène A deux pas de l'Ecluse A deux pas de la Seine Où chante ma mémoire... 15 quai des Grands Augustins, un lieu, une salle, une équipe, un piano et ses pianistes Un lieu : En remontant dans le temps, l'immeuble existait du temps du vieux Paris, du Paris bien avant les travaux du Baron Haussman.
En bordure de Seine depuis le pont Saint Michel s'ouvrait la rue de Hurepoix. Le coté numéroté impair bordait la Seine. Les travaux d'aménagement entraineront la démolition des maisons installées sur les bords du pont Saint Michel. Le coté numéroté pair de la rue de Hurepoix disparait pour laisser place au quai des Grands Augustins. Le coté numéroté impair devient donc Quai des Grands Augustins. Le quai surélevé en son commencement oblige à créer quelques marches pour accéder aux maisons du début de la voie ouverte. Dès
l'ouverture du quai des Grands Augustins en 1806, l'immeuble abrita
dans ses cinq étages l'Hôtel des Grands Augustins. A chaque étage
supérieur deux hautes portes-fenêtres donnent sur le quai. Vers 1880,
des brasseurs
ouvrent une échoppe au rez de chaussée. Puis en 1907, Raoul Dussart
(1881-1955), un marinier crée un commerce de marchand de vins. Les
mariniers circulant sur la Seine peuvent s'y retrouver et recevoir leur
courrier. Un
spécialiste de livres anciens Jean-Marie Brunier achète le fonds de
commerce. Le local reste vide quelques années. Un ami de Jean-Marie
Brunier (1920-1967) lui demande de reprendre le lieu pour ouvrir le
café de
l'Ecluse. Ainsi fin octobre 1949, Une salle :
La salle toute en longueur pouvait recevoir jusqu'à soixante dix
spectateurs. Dès l'entrée un scaphandre accueille le public. La salle conserve cette atmosphère de battellerie. La
scène tout au fond de la salle
mesure 3,50 mètres sur 2 mètres réhaussée de 40 centimètres par rapport
au sol. Deux lampes accrochées au plafond éclairent la scène. Une bâche
vert vif ornée d'une bouée
au nom du cabaret et un filet de pèche couvrent le mur du fond. Un
piano droit (venant
de chez Jeannette Gares) rempli le côté gauche de la scène. Des
banquettes de moleskine rouge ourlées de clous de cuivre s'alignent le
long des murs face aux tables. Des tabourets servent de sièges
d'appoint. Le sol en parquet rend encore plus sonore le bruit des pas.
Le bar à
droite en entrant accueille les visiteurs. La porte d'entrée donnait
sur le quai. A chaque ouverture de la porte les bruits des automobiles
circulant sur le quai emplissaient la salle. Les artistes se produisent
sans micro.
Le
couloir de l'immeuble ouvrant sur le quai longe la salle. Dans ce corridor, sur la gauche une porte donne
accès à la salle. En poursuivant dans le couloir un escalier en
colimaçon dessert les appartements des étages. Il faut baisser la tête en passant sous
l'escalier pour arriver dans une petite pièce. Ce réduit donnant accès
à la scène servait à la fois de loge, de cuisine et de chaufferie. Les
artistes se préparaient attendant leur passage soit en s'amusant soit
en conjuguant le trac. Une équipe : Quatre mousquetaires des arts porteront pendant près de vingt ans la vie de L'Ecluse. En 1950, André
Schlesser lança à Marc Chevalier : Et si on reprenait L'Ecluse ?. Cela
faisait plusieurs mois que le lieu ne chantait plus. Ils demandent à
Léo Noël avec son orgue de barbarie et Brigitte Sabouraud avec son
petit accordéon blanc de les accompagner pour cette renaissance de la salle.
Leurs quatre routes se croisèrent dans l'après guerre au cabaret du Lapin
agile de la rue des Saules. Ils signent un contrat avec Jean-Marie Brunier pour occuper les lieux. Marcel Chevalier dit Marc Chevalier (1920-2013). André Schlesser (1914-1985) A
deux reprises en 1956 et 1963, Marc et André recevront le grand prix du
disque de l'académie Charles Cros. Le duo chante souvent pour le TNP de
Jean Vilar. En tournée ils sillonnent la France, l'Angleterre,
l'Allemagne, les Etats Unis, Madagascar, l'Algérie.... Elie Ozeransky dit Léo Noël (1913-1966). Puis Marc Chevalier et André
Schlesser prennent le relais. Brigitte Sabouraud (1922-2002). Ancienne élève de Charles Dullin, elle entame sa carrière de chanteuse au cabaret chez Susy Solidor. A la fermeture du cabaret elle joue au théâtre. Puis sur la scène de L'Ecluse elle chante s'accompagnant à l'accordéon ses propres chansons. Elle contribuera à l'ascension de Barbara au sein du cabaret. Elle se retire en 1970. L'équipe dirigeante en 1951 débauche
Jeannette Gares du cabaret Le lapin agile pour tenir le bar et le vestiaire. Denise Tosi remplace Jeanne Gares au début des années 60. De temps en temps les épouses de Marc Chevalier et de Léo Noël, Christiane Clouzet (1925-1991) et Andrée Lavisse (1911-2005) donnent un coup de main.
Un piano :
Pour l'ouverture de la salle, Jeannette Garès apporte le piano. Le piano droit trouvera sa place à gauche contre le mur gauche en fond de la salle.
Ce piano de marque MAG (Marcel et André Gaveau) suivra l'existence du cabaret. En 1930,
les deux frères Marcel Gaveau (1898-1993) et André Gaveau (1901-1979)
créent MAG pour produire des petits pianos droits solides et pas chers.
Jusqu'après la seconde guerre mondiale la société de la rue de la
Boétie, la marque MAG existera. Des pianistes : Françoise
Olive dite France Olivia (1922-2016). Yvonne
Schmitt (1923-2020) Marie Thérèse Turquet dite Darzie ou Darzee (1939-2004) Liliane
Reine Gnansia dite Liliane Benelli (1935-1965) Jouèrent sur le piano de L'Ecluse accompagnant les artistes : François Rauber (1933-2003), Oswald d'Andréa
(1934-2024), Claude Cassard, Jacques Debronckart (1934-1983), Marcel
Yonnet, Yves Gilbert, Olé Jabobsen, Jean-Claude Vincent, Henri Morgan, Serge de Santis, Jacques Pruvost... |
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Léo Noël |
André Schlesser |
Brigitte Sabouraud |
L'Ecluse par le livre
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Quand
pour la première fois ils passèrent à L'Ecluse ils étaient si peu
connus : |
1951 1957 |
1958 Jean Pierre Darras Philippe Noiret Bernard Haller 1959 Christian Marin Pierre Frachet Claude Vinci Pierre Maguelon Darzie Jean Obé Michèle et Christian 1960 Christine Sèvres Philippe Avron Claude Evrad 1961 Robert Rocca Liliane Benelli Grosso et Modo Jacques Serizier Francesca Solleville 1962 Alex Métayer Pierre Richard Victor Lanoux Pierre Vassiliu Paul Louka Jean Arnulf Gribouille Jean Claude Massoulier 1963 Henri Gougaud Brigitte Fontaine Monique Tarbès Nany Rameau Micha Bayard Anne Sylvestre 1964 |
1965 Jean Sommer Romain Bouteille Henri Dès André Valardy Marie Pierre Casey 1966 Monique Morelli Jean Jonas Diane Dufresne Claude Lemesle Jacques Debronckart Marie Thérèse Orain Marcel Yonnet Philippe Genty 1967 Popeck Daniel Prévost Les enfants terribles Eva François Corbier 1968 Jean Vasca 1969 Maurice Fanon 1970 Dave 1971 Marie Paule Belle Bruno Brel Valérie Ambroise Romain Didier Yvan Dautin Bernard Dimey 1972 Hervé Christiani Pierre Louki Chenez Yves Duteil 1973 Pierre et Marc Jolivet |
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