Drouot

Fin 1961 Barbara emménage rue Rémusat, dans un appartement neuf et vide. Pour meubler, décorer son nid. Aidée d'un ami décorateur antiquaire, elle découvre l'univers de la salle des ventes de Paris rue Drouot. Durant des années elle demeurera une visiteuse assidue de l'hôtel Drouot.

Un jour alors qu'elle se trouvait dans la salle des ventes elle fut témoin d'un instant de vie. Dans Comme il vous plaira diffusé le 9 mars 1970 elle raconte à Denise Glaser la scène : "Tu sais, je vais souvent à la salle Drouot. C'est terrible parce qu'on y voit des gens qui se défont de choses qui étaient toute leur vie, pour quelques sous. C'est pathétique.. Un jour comme ça j'ai assisté à une scène poignante..." Puis elle commence à chanter "Dans les paniers d'osier de la salle des ventes...." Ce jour-là Denise Glaser invitait Barbara pour la pièce Madame. Barbara évoque son prochain disque, ses prochaines chansons.

Quelques semaines plus tard au studio Gaité près de Bobino elle enregistra Drouot.

En concert à Lausanne le 21 janvier 1971 en présentation du titre elle déclare : "Il existe, je crois, dans tous les pays du monde, dans les villages, un endroit très triste et à la fois magique qui s'appelle la salle des ventes où l'on en arrive un jour à se défaire d'objets qui ne sont pas finalement des objets très précieux et qui représentent pour nous quelque chose, un passé. A Paris, cet endroit s'appelle la salle Drouot et on y voit des choses assez fabuleuses. C’est-à-dire qu'on y voit les passés des gens, des gens qui rachètent des passés, des gens qui vendent le leur. C'est pour ça que j'ai écrit une chanson qui s'appelle Drouot..."

Au micro de François Delétraz en octobre 1993 Barbara déclare : "J'adore foirfouiller, j'adore fouiller et puis j'adore les objets, les toucher et puis les respirer. Ils ont appartenu, ils disent plein de choses. C'est là que j'ai rencontré la femme magnifique pour qui j'ai écrit la chanson qui s'appelle Drouot. C'est terrible parce qu'on voit des gens qui se défont de choses qui étaient toute leur vie, pour quatre sous. Ca c'est pathétique... On a envie de leur dire : Tenez, voilà ! C'est très cruel, ça."

Barbara écrit le texte en alexandrins et compose la musique. Durant la première partie de la chanson enregistrée en studio, seuls piano et voix campent le décor puis viennent les orchestrations très discrètes de Michel Colombier.

Par son style d'écriture, Barbara permet simplement en écoutant la chanson, en fermant les yeux de visualiser la scène décrite. Ses mots créent des images qui s'animent. Les doigts blessés par les ans se nouent et se dénouent. Les branches noueuses des arbres apparaissent... Cette femme perdue dans cette salle des ventes parmi un bric-à-brac d'objets se dessaisit d'un objet cher à son cœur contre un peu d'argent. Des images, des êtres liés à ce bijou reviennent à elle... Trop tard l'objet est vendu... Elle repart courbée par les ans comme hébétée vers sa vie quotidienne....

Cette chanson présente une caractéristique que seule Barbara voulût garder. Au troisième vers elle écrit : "Avait mis aux enchères" et elle chante : "Avait mit aux enchères en faisant bien la liaison mal-t-à-propos ! Jamais elle ne corrigea cette faute de liaison... Sans doute volonté délibérée s'affranchissant des règles et sûrement aussi parce qu'elle trouvait que cette liaison apportait malgré tout un plus au texte.

Tous ceux qui reprirent Drouot ne conservèrent pas cette liaison hasardeuse !

A la sortie du 33 tours, les critiques musicaux s'emballent pour Drouot.

Au cours de l'été 1970, elle part en tournée. Chaque soir elle chante Drouot. Ce titre figurera à son répertoire jusqu’à Mogador en 1990.

Pour l'invité du dimanche à la télévision le 22 novembre 1970, Maurice Biraud invite Jean-Claude Brialy. Depuis chez elle, rue Michel Ange elle chante Drouot entourée de ses affiches anciennes.

Dans une chanson il est très rare que son titre ne soit jamais cité dans le texte. Pour la première fois Barbara chante un général sans le nommer.... La rue Grange Batelière prit en 1847 le nom d'Antoine Drouot (1774-1847) général et baron d'Empire. Au 9 de cette rue s’ouvrit en 1852 une salle des ventes composée de 14 salles sur 2 étages. Au fil des ans les lieux devinrent exigus. En 1981 à la même adresse s'ouvrit un cube de verre, le Nouveau Drouot naissait.

En 2000 deux ventes aux enchères des objets de la vie de Barbara se tinrent, non pas à Drouot mais dans le Loir-et-Cher. Le commissaire priseur Philippe Rouillac organisa les ventes. Dimanche 30 janvier 2000 dans le cadre du théâtre de Vendôme sont mis à l'encan des photographies, des objets, des tableaux, du mobilier, des affiches et des bijoux meublant Précy Jardin. Vendredi 2 juin 2000 la seconde vente se déroule dans l'orangerie du château de Cheverny. Sont mis en vente : des tenues de scène, des partitions, un piano, un tabouret, des rocking-chairs et sa malle de scène.

Avant Barbara, Alphonse de Lamartine dans Milly ou la terre natale questionnait : "Objets inanimés avec vous donc une âme ?"

" Je crois que les objets qu’on aime son fait pour circuler " (In Il était un piano noir)

Partition Drouot
Partition Drouot Hôtel des Ventes, Drouot, Parias


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