Bobino

Bobino, le théâtre du rire et de la chanson, se tenait 20 rue de la Gaité Paris XIV (métro Gaité). La journaliste Jacqueline Cartier écrivait : "Il vaudrait mieux citer ceux qui ne sont pas passés à Bobino", tant la liste impressionne par sa longueur et son contenu !

En mars 1813 Carris, citoyen suisse, demande au préfet de Paris l'autorisation d'ouvrir un théâtre rue Madame. Une grange aménagée accueille une troupe de saltimbanques. Dans la troupe un pitre se distingue : Bobino. Qui est Bobino dont le nom restera ? Les avis divergent, pour certains un cul de jatte, pour d'autres un magicien, un funambule, un comédien... Le mystère demeure... Sur le terrain voisin d'Aubignosc érige une modeste salle de spectacles en dur. La première représentation en se lieu se déroule le 26 juillet 1817. Carris voit en d'Aubignosc un concurrent dangereux. Carris et d'Aubignosc s'unissent, la troupe de Carris intègre la nouvelle salle. Le 13 septembre 1817 naît le spectacle forain du Théâtre du Luxembourg dit de Bobino.

Sur la rive gauche coexistent deux salles : le Théâtre du Luxembourg et l'Odéon. Une rivalité grandit entre ces lieux, l'un populaire (Bobino), l'autre élitiste (l'Odéon). La direction de l'Odéon intervient auprès du préfet de Police pour faire fermer le Théâtre du Luxembourg. Les flammes dévorent l'Odéon le 20 mars 1818. Alexis Colleville nouveau directeur ouvre un théâtre, avec une façade à fronton et propose une vraie salle de théâtre à l'italienne de 688 places le 20 mars 1846. A proximité le café Bobino et le café Fleurus accueillent les spectateurs. Le théâtre propose des spectacles de pantomimes, funambules, les danses de cordes

Théâtre du LuxembourgUn projet d'urbanisation des abords du jardin du Luxembourg germe en 1867. De nouvelles rues voient le jour (rue de Fleurus, rue Bonaparte). Des immeubles aux façades rectilignes remplacent les jardins, les cafés et le théâtre. Le théâtre du Luxembourg démoli en janvier 1868 disparaît de l'annuaire des spectacles de Paris. Il se trouvait à l'emplacement du 4 rue de Fleurus.

Au même moment, dans la commune de Montrouge, hors les murs de Paris, au-déla des barrières de Montparnasse, à l'angle des rues Vandamme et de la Gaité se trouvaient le bal Constant ou le bal des 1 000 colonnes..

En 1833, Claude Alexis Constant (1802 Pont les Moulins-1871 Paris) ancien forgeron demande à l'architecte Dusqueney (1790 Paris-1849 Paris) d'ériger une construction à l'angle des deux rues. Un bâtiment sur deux étages au dessus d'un entresol se dresse longeant la rue Vandamme avec une rotonde donnant rue de la Gaité. Le batiment comprend au niveau de la rue le restaurant des 1 000 colonnes et plusieurs salles de réception. Au deuxième étage des chambres meubléés accueillent des ouvriers. De 1857 à 1859 l'architecte Edmond Plaine (1824 Paris-1905 Villers Saint Frambourg) aménage le jardin pour le compte de Claude François Constant (1824 Pont les Moulins-1894 Saint Mandé) fils de Claude Alexis. L'entrée du bal se fait par une porte au fronton décoré donnant rue de la Gaité à droite de la rotonde. Cet espace reprend l'ancien bal des escargots au 20 rue de la Gaité et le bal des Gigotteurs s'ouvrant au 18 rue de la Gaité. La réunification des deux espaces et des deux bals deviendra le bal des 1 000 colonnes. En 1870 le fils Constant se retire.

Fernand Strauss (1823 Nice-1892 Whileston USA), chanteur et compositeur, inaugure le 24 novembre 1873, 20 rue de la Gaité Les Folies Bobino dans l'indifférence générale. Il reprend pour partie le nom de feu Bobino, lieu qu'il a du connaitre. Ce soir-là aucune tête d'affiche. Strauss érige un batiment, salle de spectacles contenant 200 places, dans le jardin de l'ancien bal des 1 000 colonnes. Les Folies Bobino organisent des spectacles de café-concert composés principalement d'attractions de foire.

En 1894 Bazile Richain (1859 Chantenay saint Imbert-1925 Paris) prend la direction de l'établissement. Ce directeur paie mal les artistes des spectacles. Le 17 janvier 1901 Bobino remplace les Folies Bobino. La société des cinémas Pathé renfloue les finances du théâtre en rachetant la salle. Chaque saison voit la création d'une nouvelle revue. Bobino se retrouve dans les journaux, le public revient.

Martial Montpreux un impresario comédien parisien dirige la salle à partir de 1911. Sous son impulsion, la programmation s'oriente vers la chanson tout en proposant le théâtre classique tel que Molière avec Le malade imaginaire. La salle s'agrandit en 1918. La salle possède un toit étanche. Souvent la pluie faisait des claquettes sur scène.


Le groupe Lutécia Empire réchète Bobino en 1922. Après 8 mois de travaux le 14 octobre 1927 Paul Fournel le directeur propose une nouvelle salle avec des tentures rouges, des miroirs aux cadres dorés, une vraie salle de spectacles. La salle comprend un parterre et un balcon, elle peut recevoir jusqu'à 990 spectateurs. Le 28 décembre 1928, une jeune chanteur marseillais débute sur scène à Paris : Fernandel. Dans les années trente Bobino devient la principale salle vouée à la chanson de la rive gauche. Damia, Lucienne Boyer, Félix Mayol, Georgius entres autres s'y produisent. Bobino résisté à l'offensive du cinéma et conserve sa vocation de music-hall. De 1934 à 1936 Mitty Goldin (1895 Paris - 1956 Paris) dirige Bobino. Alcide Castille (1880 Oisy le Verger - 1958 Paris) en 1934 dirige Bobino puis son fils Teddy (1904 St Aubin les Elbeuf - 1985 Paris) lui succède. Durant la seconde guerre mondiale le spectacle continue. Bobino n'est pas recommandé aux allemands. Le personnel compte des éléments actifs de la résistance. Au décès de Alcide Castille en 1958, son fils se consacre entièrement à la seconde salle de spectacles dirigée par la famille : 
L'Européen.


Félix Vitry et Bruno Coquatrix s'associent en 1958 pour diriger Bobino. Félix Vitry fils de préfet, petit fils d'architecte toulousain ne se destinait pas au spectacle. Après ses études en 1932, il entre chez Pathé Nathan pour s'occuper de la publicité dans les salles de cinéma. Mitty Goldin directeur de l'A.B.C. (grande salle de spectacles parisienne disparue en 1964) cherche un secrétaire général pour l'A.B.C. Pathé Nathan propose Félix Vitry. Il reste captif en Allemagne. Libéré en 1943 il retrouve ses fonctions à l'A.B.C. et s'occupe aussi du Théâtre de l'Etoile, du Cirque Médrano, de l'Alhambra, de L'Européen et aussi de Bobino. Il est chargé de presse de L'Olympia lors de sa renaissance. Coquatrix conçoit Bobino comme une base de lancement pour des débutants. L'Olympia revient aux vedettes. Coquatrix ne pouvant diriger de front deux salles se retire en 1960.
Les finances de Bobino vont mal. Pierre Guérin; homme d'affaires, alors directeur de la Tête de l'art dirige Bobino de 1962 à 1964. 

Aux îles Marquises, "cantine" des vedettes de Bobino

A la belle polonaise, jadis "cantine" des vedettes de Bobino

Plan BobinoFélix Vitry reprend les rènes en 1964. Il transforme la salle, la rend plus confortable. Elle peut recevoir 1 100 spectateurs. Bobino devient un haut lieu de la chanson française. Les grands de la chanson passent sur cette scène. Georges Brassens s'y produit de façon presque régulière. Bobino accueille sur sa scène presque tous les artistes  des années 50, 60 et 70 : Georges Brassens, Jacques Brel, Léo Ferré, Anne Sylvestre, Jean Ferrat, Juliette Gréco, Edith Piaf.…

Le 20 décembre 1966, jour de relâche des spectacles, Bobino fête ses 150 ans par une soirée unique avec quarante vedettes. Jacques Martin et l'orchestre de Armand Motta animent la soirée. Barbara depuis le 13 décembre chante à Bobino et figure parmi les 40 vedettes présents pour cet anniversaire.

Durant le mois de mai 1968 la salle participe à sa façon au mouvement de contestation en hébergeant les artistes.

Félix Vitry change le fronton de Bobino pour une guirlande de lumières. Bobino devient Le Théâtre du rire et de la chanson. Dans le nouvel aménagement du quartier Montparnasse un nouveau Bobino doit voir le jour deux cents mètres plus bas dans la rue de la Gaité. Le métro arrivera directement dans le hall. Ce projet restera utopie !

Félix Vitry meurt subitement en avril 1971 à l'âge de 58 ans. Son fils Gilles lui succède durant un an. Puis Jean Claude Dauzonne l'ancien secrétaire de Félix Vitry le remplace. La programmation devient plus aléatoire avec des réussites et des échecs. Malgré le passage de quelques pointures dont Guy Bedos en 1979 et 1980, Renaud et Paco Ibanez en 1980. Début 1984 Pierre Perret y fête ses 25 ans de chansons. Malgré tout, la salle ferme ses portes en 1984.

Félix Vitry Gilles Vitry Jean Claude Dauzonne

L'immeuble vendu. Les protestations n'y font rien. Bobino se meurt. Seuls restent debout l'immeuble rue Vandamme et la rotonde. les démolisseurs mettent à terre la salle début 1985.

Un ensemble immobilier comprenant un hôtel de groupe comprenant 188 chambres se dressera. Les chambres donnent sur la rue de la Gaité et sur le jardon à l'arrière où se trouvait la salle de spectacles.

Pendant les travaux Bobino déménage pour L'Eldorado Bd de Strasbourg. Les affaires vont de plus en plus mal. Bobino Eldorado ferme. Bobino est mort.

A côté du nouvel espace créé en 1987 sur la parcelle voisine un night club s'ouvre avec une entrée principale gardant la prestigieuse adresse : 20 rue de la Gaité.

En 1991 la nouvelle salle revient à sa vocation initiale : le spectacle. L'ensemble comprend une salle de spectacle de 614 places, des studios de télé et des foyers pour jeunes artistes. La salle reprend le nom de Bobino avec un aspect de cabaret. Le journaliste Philippe Bouvard dirige le lieu. Le nouveau Bobino revient à la chanson, au rire dans un cadre plus restreint et moderne. Philippe Bouvard y enregistre des émissions télé dont Les grosses têtes.

Début 2006 Philippe Bouvard vend la salle à Gérard Louvin. Une nouvelle ère s'ouvre pour Bobino qui devient Bobin'o. Des diners spectacles remplacent le spectacle vivant. En 2010, Gérard Louvin cède Bobin'o.

Jean-Marc Dumontet, après travaux reprend le lieu en 2010. La salle de 900 places retrouve son nom d'antan Bobino. Le velours des fauteuils invite au spectacle et à la chanson. Bobino renoue enfin avec son glorieux passé.

La nuit venue Félix Vitry et Tonton Georges viennent chatouiller les pieds des bétonneurs de Paris des années 80....


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