BARBARA au Québec, mai 1966

Barbara, un nom qui commence à parler aux oreilles des amoureux de la chanson au Québec. Barbara et ses chansons circulent de plus en plus sur les ondes radiophoniques de Radio Canada.

Les journalistes s’intéressent à cette femme qui chante. Certains journalistes traversent l’océan jusqu’à Paris pour la rencontrer.



Fin mars 1966, la jeune journaliste québécoise Ingrid Saumart réalise une interview de Barbara à Paris dans les bureaux de Philips rue Jenner.


Ingrid Saumart appréhende cette rencontre. La réputation de Barbara, pas facile à interviewer circule chez les journalistes.. D’emblée Barbara lance : " Il faut oublier tout ce que vous savez sur moi… Je n’ai rien à dire. Ma vie, c’est de chanter. Tout ce que j’ai à dire, c’est dans mes chansons qu’on le trouve… J’écris parce que j’ai envie d’écrire, pour moi. Il ne me serait jamais venu à l’idée d’écrire des chansons pour quelqu’un d’autre… " Parlant de son métier elle dit : " Je le vis, je l’ai toujours fait à ma façon, avec toutes les erreurs et les bonnes choses que cela peut comporter. C’est ma loi à moi... "

Ingrid Saumart conclue son article titré : Barbara : elle n’est pas comme on pense par : " J’irais voir Barbara, cette femme qui a su résister à quinze années de misère sans jamais perdre le sourire, sans jamais perdre confiance dans la vie. Barbara qui a su durer et qui durera encore longtemps ".


Dès le 30 mars la presse annonce l’arrivée de Barbara au Québec. Le 10 avril la presse québécoise précise que Barbara restera à Montréal pour quelques jours trois ou quatre pour des télévisions.

Pour la première fois, Barbara découvre le Québec

En trois jours, elle participe à trois émissions de télévision sur la chaîne CBFT canal 2 Montréal.

A peine arrivée Barbara rencontre les journalistes.

Le journal La Presse du 7 mai 1966 interviewe Barbara : "Chanter c’est ma prière"


- samedi 7 mai : Votre choix à 22 h 15 à 22 h 45.
Lisette Le Royer (1923-2022) première femme réalisatrice à Radio Canada réalise le programme, Nicole Germain (1919-1994) actrice journaliste québécoise le présente, miss radio 1946. Un invité choisit des artistes et les invite. Une partie de l'émission présente un artiste étranger. Ce soir l’émission présente Barbara.

- dimanche 8 mai : Music-Hall, à 20 h à 21 h.
Maurice Dubois réalise le programme, animé par Elaine Bédard (mannequin, femme d’affaires, portant des robes sophistiquées à la télévision) assure la présentation. Music-hall de ce jour invite : Barbara, Donald Lautrec (chanteur acteur québécois), Salvatore Adamo, Charles Trénet.
Après un passage à Bobino en mars, il entame une nouvelle tournée au Canada fêtant ses 30 ans de chanson.
Quant à Salvatore Adamo il chante à La place des Arts de Montréal.


Donald Lautrec 1965
Trénet 1966
Adamo 1966

- Lundi 9 mai : Face à la musique à 20 h 30 à 21 h.
Jacques Boulanger présente l’émission. Accompagnée par Joss Baselli à l’accordéon, elle chante assise au piano : Dis quand reviendras-tu ?

Quelques jours plus tard Radio Canada diffusera un reportage filmant Barbara touriste à Montréal. Accompagnée par Jean-Pierre Ferland, leurs pas les conduisent vers l’île sainte Hélène sur le saint Laurent. Ils se rendent au Théâtre de la Poudrière puis marchent le long du fleuve. Après avoir traversé le fleuve ils descendent à pied la rue saint Paul du vieux Montréal. Ils font une halte devant Le Marché Bon secours. Poursuivant leur visite ils arrivent rue Notre dame devant la basilique Notre Dame et séminaire saint Sulpice. Les rues semblent calmes en ce dimanche 8 mai.


Philips commercialise alors au Canada les deux 33 tours Babrara chante Barbara et Barbara n°2. Antérieurement Decca, Pathé Marconi et CBS proposèrent plusieurs disques de reprises de chansons enregistrées par Barbara issues de son catalogue. En 1966, CBS présente au Canada un disque reprenant le contenu du 33 tours présenté trois ans plus tôt en France.


Barbara 1964
Barbara 1965

Barbara 1966Ce "nouveau" 33 tours de CBS affiche une photo de Barbara signée Jean-Pierre Leloir prise en le 12 mars 1959 au bois de Boulogne. Au dos de la pochette un texte présente Barbara au public canadien.

Barbara est un animal de la chanson comme Gabin est une bête de cinéma.
Comment cette grande fille aux yeux d’idole cambodgienne et à la coiffure garçonnière est-elle devenue ce nouveau monstre sacré de la chanson ? Par le dur chemin des écoliers de la misère. Slave par le sang, française de naissance, Barbara est un vivant poème de Prévert.
Elle a vécu longtemps dans un atelier de la rue de Seine digne de la fameuse roulotte des Parents Terribles de Cocteau. Elle ne descendait de son piano du cinquième étage que pour rejoindre l’infâme casserole de Chez Moineau où elle chantait Brassens (déjà) et Xanrof entre deux couscous et une poignée d’amateurs fanatiques.
Sa seule richesse consistait en un pull noir et une jupe de velours couleur de la nuit.
Prisonnière de la chanson française, Barbara commença à s’évader d’elle-même par cette Écluse qui guette aux rives de la Seine, et où elle a chanté en liberté sous le sourire fraternel de Léo Noël. C’est là que la presse (et un public fidèle) découvrit ses mains grandes et belles et sa voix souple et chaude, prenante et surprenante, avant de la consacrer l’an dernier aux Mardis de la chanson, au théâtre des Capucines et, plus récemment à Bobino – Deux grands prix du disque : Académie du Disque français en 1960, et le prix de l’Académie Charles Cros en 1965.
Depuis l’époque héroïque du Chat noir où les poètes et les peintres ont reconnu en Yvette Guilbert une figure majeure de la fin de siècle, personne n’avait réuni comme Barbara tant de qualités appréciées : intransigeance dans le choix du répertoire, diction tendrement percutante, présence hallucinante, et surtout cette faculté de ne ressembler à personne, mais de laisser aux autres le soin de se reconnaître en elle.
Si Toulouse Lautrec revenait au cœur de Paris, il suivrait pas à pas la silhouette de cette Barbara et lui conférerait l’éternité qu’aujourd’hui le microsillon lui prête comme un miroir magique, seul capable de refléter les multiples visages de Barbara Satan qui se fait ange.


A la suite de ce bref passage, un plus grand nombre de québécois découvre Barbara par le petit écran de la télévision.

L'accueil favorable de ces émissions télévisées permettent à Charley Marouani d’envisager une tournée québécoise pour Barbara.

Barbara reviendra à Montréal huit mois plus tard. Après les soirées à Bobino, Barbara et Serge Réggiani chanteront à la Comédie Canadienne mi-janvier 1967.


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