Dans les premiers mois de 1964 un jeune allemand
plusieurs soirs écoute Barbara depuis la petite salle de l'Écluse.
Il
brûle de lui parler d'un projet qu'il porte. Il dirige un théâtre de
cent
quarante places à Göttingen en Allemagne de l'Ouest fréquenté
principalement par des étudiants. La réputation de l'université
dynamique de Göttingen
dépasse les frontières de basse Saxe. De nombreux étudiants
souhaiteraient
entendre Barbara sur la scène de leur théâtre. Gunther Klein, ce jeune
directeur l'invite
à se produire à Göttingen. De prime abord elle refuse.
Les cicatrices de la guerre ne s'effacent pas. Gunther Klein insiste.
Le lendemain elle accepte brusquement sans trop savoir pourquoi. Mais
elle exige un piano noir
demi-queue dans le contrat signé en avril. Rendez vous
fut pris pour le mois de juillet suivant pour trois soirs.
Comme
convenu le 4
juillet 1964 Barbara arrive à Göttingen
en peu à reculons (Barbara dira un peu "grin grin") furieuse d'avoir accepté cette
contrat. Gunther Klein l'accueille sur le quai de la gare. Rapidement
tous deux visitent la ville puis se rendent au Junges Theater au 19
Giesmarlandstrasse le Junges Theater. Ce
théâtre fréquenté par les étudiants naît en
1957 en proposant des spectacles de marionnettes.
Près de quarante ans plus tard ce
lieu deviendra l'actuel cinéma Lumière. Sur scène trône un magnifique piano
en bois marron orné de deux superbes candélabres mais DROIT. Catastrophe.
Catégoriquement Barbara refuse de chanter avec un tel piano, pourtant Gunther avait promis...
Le directeur de la salle en urgence invente une grève des déménageurs
ayant empêché de déplacer le piano espéré. Dans ces conditions il
devient donc impossible de changer d'instrument.
Le spectacle s'en trouve compromis. Barbara tient tête. Dix jeunes étudiants se chargent d'essayer de dénicher
un piano conforme au désir de Barbara. Ils reviennent triomphants. Une vielle dame
accepte de prêter son Steinway. Les dix gaillards
transportent le piano sur scène.
Ce déménagement
impromptu entraîne un retard du spectacle prévu 20 h 15. Finalement à plus de
22 heures le demi queue
noir trône sur la scène. Barbara peut maintenant chanter mais sans
répétition préalable. Ce samedi soir 4 juillet le public lui réserve
un accueil chaleureux, enthousiaste.
Chaque soir deux tours de
chant sont proposés : le premier à 20 h 15 le second à 22 heures. Gunther prolonge le contrat de Barbara
une semaine. Dans l'après midi précédant l'avant dernier récital Barbara s'installe dans
le petit jardin qui jouxte le théâtre. Les mots s'agitent en elle. Elle écrit et compose
L'odeur des roses une chanson relatant sa découverte de l'Allemagne. Le soir même,
aidée de son brouillon
elle propose au public le texte sur une mélodie inachevée. Gunther Klein et
Barbara s'accordent sur un retour de
Barbara à Göttingen courant décembre 1964. Ce retour ne se
concrétisera pas.
Dès
son retour à Paris Barbara achève le texte et la musique de la chanson
ébauchée en Allemagne. L'odeur des roses devient Göttingen.
Claude Dejacques insiste pour que ce titre figure sur le disque
à venir. En juillet 1965 elle enregistre au studio Blanqui la chanson [voir le disque ou figure ce titre]. Le 15 octobre 1964, la SACEM enregistre le dépôt du texte et de la musique.
Début
mai 1967 Barbara enregistre à Hambourg en langue allemande dix chansons de son
répertoire. Walter Brandin effectue la traduction des textes. Barbara
singt Barbara le 33 tours sera
commercialisé en juin 1967.
Le
4 octobre 1967,
Barbara retrouve Göttingen pour un concert unique. L'après midi avant
le spectacle elle répète au Junges Theater. La Stadthalle, le tout nouveau théâtre de la ville d'une capacité de
mille cinq cents places accueille Barbara. France Inter diffuse en direct sur ses ondes
une partie du concert dans le cadre de l'émission Les 400 coups.
Pour la première et unique fois elle
interprète Göttingen en allemand en public. Dieter Blank un des
étudiants ayant participé au déménagement du piano trois ans plus tôt traduit les
mots de Barbara entre les chansons. La veille Barbara retrouvait le
Junges Theater pour une conférence de presse. Claude Chebel pour France Inter suit ce retour de Barbara à Göttingen. Cette
fois Barbara a un piano mais sa voix n'est pas au rendrez-vous. Barbara
souffre d'un rhume. Grâce aux bons soins d'un médecin elle assure son
récital. Elle s'accompagne au piano avec Michel Gaudry à la
contrebasse. Marcel Imsand réalise plusieurs photos de Barbara dans les
rues de Göttingen, en répétition. Le public lui fait une ovation de
plusieurs minutes.
Au fil de ses spectacles Göttingen
figurera toujours à son répertoire.
Le 24 avril 1988 Barbara reçoit la médaille de l'ordre du mérite de la république fédérale allemande. Dans
la compilation de deux
disques Femme piano parue en novembre 1997 Barbara effectue le choix
de titres. Göttingen en allemand et en français figurent dans parmi
les titres retenus. Le
22 novembre 2002 conjointement l'association culturelle franco allemande
de Göttingen, la municipalité de la ville, le cinéma Le Lumière et
l'association Perlimpinpin-Barbara dévoilaient une plaque sur la
façade de briques de l'ex Junges Theater (plaque rappelant que Barbara
composa Göttingen en ce lieu). Au sud de Göttingen existe aussi une
Barbarastrasse. Le 9 juin 2007 le rosier Hommage à Barbara fut
officiellement plantée dans le jardin où près de quarante ans plus
tôt Barbara ébaucha le texte de Göttingen. |