Du 25 novembre 1960 à janvier 1961, tous les soirs sauf jeudi à 21 h, matinée dimanche et fêtes.


En ce début 1960, le compositeur Albert Willemetz (1887-1964) croise son ami l'illustrateur Maurice Lalau (ou Georges Manoir 1881-1961). Ils dinent ensemble. Au cours du repas, ils évoquent leurs dernières lectures. Albert Willemetz redit à son ami son plaisir de relire vies des dames galantes de Brantôme (1537-1614). Maurice Lalau estime que Brantôme demeure le meilleur auteur du XVIe. Dans la tête d'Albert Willemetz germe l'idée de créer une opérette inspirée des dames évoquées dans l'œuvre de Brantôme. Tous deux se lancent dans l'écriture du livret. Albert Willemetz songe à confier la composition de la musique à Georges Van Parys (1902-1971). Le compositeur accepte et réalisera le pastiche de musiques classiques et d'airs célèbres.

Reste à trouver un théâtre où jouer cette création.

Au même moment, Elvire Popesco directrice du Théâtre de Paris dans sa nouvelle salle monte une opérette libertine inspirée des chansons de Bilitis de Pierre Louÿs. Elvire Popesco et Hubert de Malet acceptent d'héberger l'opérette.

Albert Willemetz signe la dernière opérette créée de son vivant. Au cours des semaines d'écriture et de composition le titre provisoire de l'opérette Les dames galantes devient Le jeu des dames.

Pour cette pièce, l'équipe de Bilitis et l'amour reprend du service : Henri Soubeyran (1911-1994) réalise la mise en scène. Marc Berthomieu (1906-1991) et Jack Ledru (1922-2013) assurent les arrangements musicaux. Ils accompagnent les comédiens sur scène chacun à un piano. Yves Faucheur (1924-1985) signe les costumes et les décors, André Batisse la chorégraphie.

La seconde salle du Théâtre de Paris de la rue Blanche , le petit Théâtre de Paris, hébergera le spectacle. Le jeu des Dames remplace Les chansons de Bilitis à l'affiche depuis le 1 avril 1960.

En février 1960 chaque soir Barbara chante à l'Écluse. Le musicien Georges Van Parys la contacte lui proposant de tenir un rôle dans une pièce opérette dont il entame la composition de la musique.

Les patrons de l'Écluse, Léo Noël, Brigitte Sabouraud, Marc Chevalier et André Schlesser acceptent à une condition. Barbara devra être de retour à minuit à l'Écluse pour chanter. Elle accepte le rôle.

A quatre jours de la générale, le 21 novembre 1960, le petit Théâtre de Paris accueille le cocktail de presse. Elivire Popesco directrice du Théâtre de Paris annonce le changement de nom de la salle pour devenir Le Théâtre moderne.

La pièce comprend deux actes et quatre tableaux, avec entr'acte.

Quatorze comédiens chanteurs choristes composent la distribution.

Marcel Charvey dans le rôle de Brantôme
Régine André dans le rôle de Lucrèce
Claudine Dalmas
dans le rôle de d'Ysabeau
Ginette Briance dans le rôle de Aline
Sophie Vallière dans le rôle de Aloyse
Pierre Hatet dans le rôle de Mitrefol
Robert Burnier dans le rôle de Dom Benigne (baryton)
Geneviève Brunet dans le rôle de la Duchesse Corysandre de Bois d'Arcy
André Jobin dans le rôle du Comte Guy de Cervières
Françoise Moncey dans le rôle de Nicette de Prévolin
Jacques Degor dans le rôle de Seigneur Hercule de Singlerac
Barbara dans les rôles de Zéphirio et Capricia
Michel Boulau dans le rôle de Sanchez
Philippe Martin dans le rôle de Alver

Barbara joue deux rôles celui d'un aide de camp Zéphirio puis celui d'une gitane Capricia. Zéphirio porte un pourpoint de velours brodé d'or. Une large robe à fleurs habille Capricia.

Le soir de la générale, le 25 novembre, Albert Willemetz présente sa pièce ainsi :

"C'est le jeu de l'amour, vous l'avez deviné

Tantôt brutal ou raffiné..."

25 novembre 1960, 21 heures, le brigadier frappe les trois coups au Théâtre Moderne de la rue Blanche.

"PAN PAN PAN"

Quatre cents ans plus tôt, en 1560, Brantôme narre aux demoiselles d'honneur les péripéties et rebondissements d'un mariage entre deux nobliaux de province.

La répression religieuse menée par le pouvoir impopulaire secoue le royaume de France en ce règne éphémère de François II

Au château de Cervières, sur les bords de la Loire, se préparent les noces de Guy de Cervières et de Nicette de Prévolin. Depuis l'enfance ils se connaissent.

A quelques lieues de là, arrive la future épouse. Dans le carrosse, la marraine de la promise dame Corysandre de Bois d'Arcy et le chapelain Dom Bénigne accompagnent la jeune fille. La campagne et les routes demeurent peu sûres avec des attaques de pillards, fréquentes et sanglantes. Au cours du trajet dame Corysandre confesse au chapelain comment elle devint femme pour la première fois. Le chef des paillards la prit de force durant l'attaque de la ville d'Ascains. Elle en ressentit pour la première fois un grand plaisir. Feu son mari Melchior de bois d'Arcy bien plus âgé qu'elle n'y parvint jamais. Le chapelain s'offusque des propos venant d'une dame de ce rang.

Le chef des paillards, seigneur Hercule de Singlerac, soudard notoire, accompagné d'une escouade d'hommes en armes interrompt la cérémonie de mariage. Il vient chercher sa promise Nicette de Prévolin. La roi de France lui aurait accordé de l'épouser.

Hercule de Singlerac transforme la fête en orgie. Les jeunes filles effrayées trouvent refuge dans la chambre de dame Corysandre.

Intervient alors Zéphirio, aide de camp de Singlerac pour rassurer Nicette.

Le fou de Guy de Cervières, Mitrefol, lance un pigeon voyageur demandant à Singlerac d'attendre le lendemain matin pour la noce.

Malgré tout Singlerac pénètre dans la chambre de Nicette. Elle joue les idiotes. Devant l'attitude de sa promise, il s'endort, son désir s'est évanoui.

Corysandre entre dans la chambre de sa filleule. Elle reconnait en Singlerac l'homme qui lui offrit tant de plaisirs quelques temps plus tôt.

Singlerac confie Nicette à Zéphirio. Le page sort Nicette de son sommeil et lui propose de rester avec elle, de veiller sur elle. Nicette émue par cette délicate attention l'attire contre elle. Au petit jour il s'éveillent l'un contre l'autre..

Des bruits d'armes résonnent dans le château. Guy de Cervières reprend possession des lieux. Il jette en geôle Zéphirio et Singlérac.

Nicette parvient à faire porter à Zéphirio un déguisement de femme. En réalité Zéphirio est une femme. Singlérac s'en trouve tout apaisé.

Singlerac exhibe une lette signée de feu Henri II roi de France.  Le roi mentionne que Singlerac est son bâtard et donc frère du roi. Il porte le titre de prince de Dinan. Etant de notre souche il peut épouser dame Corysandre.

Happy end : au lieu d'un mariage, deux mariages se dérouleront en même temps en le château de Cervières.

L'opérette comprend les morceaux chantés suivants :

- Ensemble du mariage : les demoiselles d'honneur

- Chanson de Mitrefol : Mitrefol

- Le plus beau des jours de ma vie : Nicette

- Duo : Nicette et Cervières

- Couplets de Singlerac : Singlerac

- Air des Tarots : Zéphirio et Nicette

Entr'acte

- Il faut trois choses : Singlerac

- La brune et la blonde : Les cavaliers de Singlerac

- Pigeon vole, vole, vole : Mitrefol

- Duo de l'éternuement : Nicette et Singlerac

- Berceuse de Zéphirio : Zéphirio

- Chœurs des demoiselles d'honneur

- Le verbe convoiter : Mitrefol

- Air de Capricia (reprise de l'air des Tarots) : Capricia

- La gazette du palais : Mitrefol

- Finale : tous les comédiens

Radio et la télévision invitent à découvrir Le jeu des Dames au Théâtre Moderne de la rue Blanche

Pierre Divoire dans son programme quotidien Rendez vous à 5 heures sur Paris Inter reçoit le 25 novembre 1965, Barbara et Françoise Moncey. Toutes deux interprètent en direct le duo des tarots.

Discorama présenté par Philippe Noiret et Jean-Pierre Darras, diffusé le 2 décembre 1960 propose deux extraits filmés sur scène de la pièce. Barbara et Françoise Moncey chantent Le duo des tarots et la berceuse de Zéphirio.

La presse relate dans ses colonnes le spectacle de façon élogieuse :

- La gazette de Lausanne du 10 décembre 1960 : Ce jeu de Dames est, en effet, une opérette, puisqu'il faut l'appeler par son nom, mais c'est une chose exquise, pleine charme et de gout, où l'on voit et entend, entre autres créatures de rêve, Barbara, qui étrenne en page Renaissance le grand prix du disque qu'on vient de lui décerner.

- France Soir du 4 décembre 1960 : Histoire piquante et libertine racontée avec verve par les auteurs

- L'Humanité du 5 décembre 1960 : Barbara a la voix profonde et prenante.

- Le Monde du 6 décembre 1960 : C'est donc un conte galant d'autrefois, plaisante histoire de cape et d'épée, en même temps, cela va de soi, qu'intrigues amoureuses dans le goût de maints contes drolatiques, colligés ou non "es abbayes de Touraine"..... Barbara altière gitane à qui sied le travesti....

- Libération du 19 décembre 1960 : L'art du suspens appliqué à un scénario se déroulant sur la carte du tendre

- La revue des deux mondes de décembre 1960 : De bon couplets d'Albert Willemetz, de charmantes mélodies de Van Parys exécutées par deux virtuoses du piano, MM. Marc Berthomieu et Jack Ledru, qui marient leurs accords à ceux d'un orchestre enregistré, une distribution où se détachent M. Robert Burnier, chapelain scandalisé, Mme Geneviève Brunet, capiteuse marraine, M. Pierre Hatet, farfelu Mitrefol, M. Marcel Charvey digne Brantôme, la chanteuse Barbara, venue de L'Ecluse  pour s'essayer dans un rôle de gitane travestie, et un quatuor de jolies suivantes contribuent à l'agrément de ce spectacle d'une légèreté habilement dosée.

Les critiques flatteuses n'empêchent pas l'arrêt des représentations en janvier 1961. L'opérette ne plait plus au public, les temps changent.

Barbara retrouve la scène de L'Ecluse. Début février 1961 elle chante à Bobino en première partie de Félix Marten.

Bien des années plus tard, dans Il était un piano noir, Barbara se remémore des bribes de souvenirs de Jeu des dames : Georges van Parys un être exquis, des rires entre comédiens et la voix roulant les r d'Elvire Popesco. La directrice du théâtre lui conseille d'être moins "insoulente" avec Monsieur Willemetz ! Dans ses costumes de scène, Barbara se sentait ridicule...

Qui sait, un jeu, Le jeu des dames se retrouvera à l'affiche d'un théâtre.



Pour encore mieux connaitre les impressionnantes oeuvres d'Albert Willemetz et de Georges Van Parys partez en visite... Et pour vous replonger ou simplement découvrir la chanson d'antan visitez cette mine d'or : Du temps des cerises aux feuilles mortes.


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