Liberté d'expression

Quelques jours de Mai 1973

Le 5 avril 1973, Pierre Messmer premier ministre de Georges Pompidou nomme ministre des affaires culturelles l'écrivain et résistant Maurice Druon (1918-2009).

Pour l'Agence France Presse le 3 mai le nouveau ministre déclare à Jean Mauriac : "Les gens qui viennent à la porte de ce ministère avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov dans l'autre devront choisir" et "Que l’on ne compte pas sur moi pour subventionner, avec l’argent du contribuable, les expressions dites artistiques qui n’ont d’autre but que de détruire les assises de notre société."

Ces déclarations mettent le feu aux poudres dans le monde artistique. Une profonde colère monte. Artistes, metteurs en scènes, comédiens grondent. Dans le Monde du 9 mai Roger Planchon et Patrice Chéreau lui répondent : "Nous attendions d'autres images d'un ministre et d'un écrivain". Puis dans le même journal du 11 mai Jean Louis Barrault dénonce "Monsieur Druon entonne le clairon de la répression culturelle. Le ton qu'il choisit est le mépris et la menace...". Françoise Giroud compare le ministre à Andreï Jdanov. Le canard enchainé titre : "Druon la joie...".

Pour signifier au gouvernement l'enterrement de la liberté d'expression par le nouveau ministre une manifestation regroupant plusieurs milliers de participants se déroule dans les rues de Paris le 13 mai. Une longue procession funèbre silencieuse s'écoule de la place la Bastille à la place de la Nation.  Les calicots proclament : "Réveillez-vous, cette nation tombe dans un sommeil doux, mais c'est un sommeil de mort"  

Les professions du spectacle par le biais de vingt-cinq organisations et syndicats les représentant, des associations de spectateurs se retrouvent le 19 mai à la Taverne de l'Olympia, 6 rue Caumartin, pour rédiger une même déclaration revendiquant la liberté d'expression. Suzanne Flon lit le texte refusant au ministre des affaires culturelles de s'arroger le pouvoir de décréter "ce qui est artistique et ce qui prétend l'être, ce qui menace et ce qui consolide les institutions de la société, ce qui dégrade l'homme et ce qui l'émancipe... ".

 

Puis la foule réunie sans bruit descend l'avenue de l'Opéra pour se rendre au ministère des affaires culturelles rue de Valois. D'importantes forces de l'ordre encadrent le défilé de manifestants. A l'approche du ministère la densité des forces de l'ordre augmente. Une délégation de manifestants remettra à un conseiller du ministre la motion rédigée la veille.

Rue de Valois, Monsieur Lamberty conseiller technique du ministère reçoit les représentants des manifestants. Ils soulignent les craintes de l'ensemble de la profession après les déclarations du ministre.. Ils insistent sur "l'aggravation dans la continuité " de la situation. Le conseiller répond que Maurice Druon donnera réponse à la déclaration présentée lors d'une séance de l'Assemblée nationale du 23 mai.

Lundi 22 mai, à Lyon les principaux syndicats et entreprises théâtrales de la région Rhône-Alpes organisent une manifestation.

Parmi les nombreux manifestants descendant l'avenue de l'Opéra se trouve Barbara devant une bannière du syndicats des écrivains et une du syndicat national des employés saltimbanques et administratifs du spectacle. Près d'elle se trouvent entre autres Hélène Duc et Claude Piéplu...

Maurice Druon demeurera un éphémère ministre. Alain Peyrefitte le remplacera au poste de ministre des affaires culturelles le 27 février 1974.

"Engagement : ce mot m'irrite. Si je dis les forts sont des méchants, el les faibles des bons, j'ai forcément raison et je suis une héroïne. Pour faire passer des idées, d'accord il faut descendre dans la rue pour faire le reste." (In Télérama 27 novembre 1979).



"La liberté d'expression fait partie des grandeurs et des servitudes de la démocratie." Maurice Druon


[retour au sommaire du site]

[retour à la biographie]