Mon
premier souvenir de Barbara remonte à 1965. J'avais 3 ans. Je me souviens
de l'album à la rose et des copines de la soeur cadette de mon père qui
pleuraient en écoutant dans l'obscurité ce disque.
J'ai grandi, le temps a passé. J'ai poursuivi mes études. Et 1981 est
arrivé, un souffle nouveau arrivait au pouvoir. Et dans la vague rose
j'ai retrouvé Barbara dont j'avais suivi de loin le chemin. Depuis ce
moment là je ne l'ai plus quittée. J'ai assisté à toutes les tournées
qu'elle a effectuées dans la région lyonnaise. J'ai découvert alors la
chanteuse qui donnait le frisson aux adolescents de 1965 et qui me donnait
le même frisson.
En 1989 ma vie traversait des moments de turbulence. Je lui ai envoyé un
petit mot pour lui témoigner mon admiration et ma douleur de me traîner
dans la vie. Un lundi matin vers 9 heures alors que je me réveillais le téléphone
sonne. "Bonjour c'est Barbara. Je vous remercie de votre jolie lettre
qui m'a émue." Elle parlait d'un débit saccadé et rapide. J'avais
le souffle coupé. Elle m'a dit que dans la vie il faut être soi même,
être naturel et vivre sa vie comme on pensait devoir la vivre. Pour réponse
j'ai bredouillé quelques mots tant j'étais surpris. Son débit vif et
alerte m'envahissait. Elle m'a dit de prendre soin de moi. Comme dans un rêve
j'ai raccroché le téléphone. Ainsi après avoir découvert la chanteuse
j'ai découvert la femme.
De temps en temps je lui adressais un petit courrier pour lui témoigner
mon plaisir de la connaître et la remercier de ce qu'elle faisait, avait
fait et ferait. Elle répondait parfois à mes courriers d'un petit mot
attentionné qui se terminait par "Prenez soin de vous. A bientôt.
Barbara".
J'ai assisté à tous les spectacles de Barbara ayant lieu dans ma région.
Chaque fois j'étais debout devant la scène à ses pieds envoûté par la
femme qui chante. Et chaque fois je prenais une grande claque dans la tête,
j'étais enivré. Une fois à la sortie des artistes de la bourse du
travail à Lyon nous étions une dizaine à l'attendre dans la pluie et le
froid. Quand elle est apparue, elle nous a regardé longuement, nous
a remercié être venus la voir ce soir et a ajouté d'un ton attentionné
: "Soyez raisonnables rentrez vite chez vous. Vous allez prendre
froid dans ces courants d'air" comme une mère le dirait à ses
enfants.
A chaque spectacle le même rituel revenait. Dès la deuxième chanson
commençaient les rappels. Mais le plus magnifique était ce qu'elle
disait entre les chansons, tantôt son bonheur, tantôt sa colère devant
la vie. Durant les deux heures où elle chantait un silence se faisait
dans la salle. Les gens écoutaient assis bouche bée. Parfois à certains
titres comme Nantes ou Rémusat on voyait des gens sortir leurs mouchoirs
et nerveusement le triturait dans leurs main. Des yeux rougeoyants, émus
étaient visibles.
A chaque spectacle j'ai traîné des amis qui ne la connaissait pas. Et
après le spectacle ils ressortaient différents ayant reçu un choc émotionnel
qui ne les quitte plus.
Quand on a connu Barbara on devient différent. Quand elle vivait l'envie
de mourir me hantait maintenant qu'elle est morte j'ai une énorme envie
de vivre pour crier, dire, transmettre les richesses, les enseignements
qu'elle m'a apportés. Elle disait " Faut écouter les battements de son coeur
du temps qu'il en est encore temps, faut pas venir pleurer après sur le
bord d'un canapé". J'ai appris qu'il y a plus
à transmettre par les sentiments que par les biens matériels. Il faut
essayer d'apprendre le don de soi. Pour recevoir il faut donner et pour donner il
faut recevoir. Alors donnons avec le coeur avec la tendresse pour toute
richesse.
Depuis 1981 je conserve tous les articles de presse où son nom est cité
et certains des enregistrements des rares émissions de radio auxquelles elle a participé.
Parfois le soir je regarde le ciel et je sais qu'il y a quelque part une
étoile qui luit, c'est Barbara. Elle est toujours là. Elle m'enveloppe
de sa pensée et même quand parfois il fait froid dans mon coeur elle me
réchauffe.
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