Lettre ouverte aux idoles, Paul Guth

Lettre ouverte aux idoles

Lettre ouverte aux idoles de Paul Guth, édité en avril 1968 aux éditions Albin Michel, 125 pages (ce livre n'est plus commercialisé)

La Collection "Lettre ouverte à" recueillit les plumes de grands noms de Jules Romains à Salvadore Dali entres autres.

Paul Guth le père du Naïf pousse un cri contre les idoles (de la chanson). En 1968 la vague yéyé déferle toujours. L'auteur exprime sa lassitude devant les idoles fabriquées comme des objets manufacturés au vocabulaire limité... Les époques changent mais pas la fabrication des idoles ou stars ! Paul Guth prend sa plume pour écrire à Johnny Hallyday, Mireille Mathieu, Salvatore Adamo, Françoise Hardy, Antoine, Jacques Dutronc, Sheila, Colette Renard, Juliette Gréco, Dalida, Annie Cordy, Charles Trénet, Geroges Brassens, Gilbert Bécaud, Jacques Brel, Marcel Amont, Tino Rossi, Maurice Chevalier et Barbara.

Paul Guth écrit :

"Je vous félicite Barbara, d'avoir réalisé avec succès une expérience difficile sur les matières colorantes. Vous avez réussi, en noir, ce que Sheila réussit aux antipodes, contre ses rivales, dans la blancheur Persil : faire paraître presque claires les sépias de Gréco.
Votre nom d'abord, une trouvaille. Vous battez en noirceur, à coups d'a (la lettre noire), le nom le plus noir avant le votre : celui de Mac Namara, secrétaire d'état américain de la défense. Trois a pour lui, trois pour vous. Mais vous gagnez aux points par l'allitération : Barbara.
Pendant dix ans vous êtes restée enterrée dans des cabarets. Vous doutiez de vous. On vous croyait confidentielle. On vous exhume enfin. Au sortir de la tombe, suffoquant au jour, vous clignez des yeux. Ce bruit que vous entendez, qu'est-ce que c'est ? "Des bravos" vous dit-on. les vivants existent donc. Ils peuvent faire ce bruit avec leurs mains pour saluer ce Lazare féminin qui ressuscite ! Vous prenez goût à la vie. On vous signale une rivale : Juliette Gréco, installée depuis longtemps dans le succès. "Elle travaille dans le noir", vous dit-on. - "Aucune importance ! Je serai plus noire : je sors du sépulcre".
Nous y avons gagné un combat d'articulation. Gréco articule diaboliquement. Vous articulez sataniquement. Elle donnait à ses sifflantes des sifflements de fouet. Vous donnez aux vôtres des enroulements de lianes. Les siennes nous mordent. Les vôtres nous brûlent. Gréco ne se défend pas mal dans le sardonique. Vous excellez dans le sarcasme. Elle prospère dans les étirements félins de syllabes. Vous vous faites boa, aux allongements sans fin.
Et puis, brusquement, pour lui échapper, il vous prend des envies de gambader. "Après tout, déclarez-vous à un journal, je suis une comique. Je suis plutôt le genre "gai, gai, marions-nous". Bientôt peut-être vous spécialiserez-vous dans les fous rires nerveux."


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